L’usage abusif du participe passé "Dédié à" ou - pire - de l’adjectif "dédié" (qui n'existe pas !), s’est progressivement répandu ces 10 ou 15 dernières années, avec une très forte accélération dans les années 2020, au point qu’aujourd’hui il est difficile de regarder un journal télévisé ou un documentaire sans l’entendre. On le retrouve également fréquemment à la radio et dans la presse écrite, ou sur les sites internet.
- Si la formule "Dédié à" n’est pas en elle-même incorrecte et ne doit en aucun cas être proscrite, il n’en demeure pas moins que son sens étant très restrictif, elle doit être utilisée avec la plus extrême parcimonie.
En effet, ses usages ne peuvent être que très limités lorsque l'on sait que le verbe "dédier" ne signifie que : offrir symboliquement quelque chose, même un sentiment, à une divinité, à une personne considérée comme une divinité, ou à un être digne de respect, de gratitude. Et, par extension : remercier ou rendre hommage à quelqu’un, au travers d’une oeuvre généralement littéraire, cinématographique ou architecturale.
Ainsi dit-on d’un livre, d’un film ou d’un bâtiment qu’il est "dédié à quelqu’un", sans pour autant - et c’est essentiel - qu’il lui soit consacré ou destiné.
"Dédié à", "Consacré à" et "Destiné à" ont en effet des sens très différents et n’ont jamais été synonymes.
Ainsi, un historien qui aurait écrit une biographie de Napoléon pourrait déclarer : "J’ai consacré un livre à Napoléon et l’ai dédié à ma femme", et non pas "J’ai dédié un livre à Napoléon et l’ai consacré à ma femme" !
Le site internet de Canopé, "le réseau de création et d’accompagnement pédagogiques" dépendant de l’Éducation Nationale, annonce pourtant dans sa présentation de la Bibliothèque rose illustrée et de la comtesse de Ségur : "Entre 1857 et 1869, la Comtesse de Ségur va publier une vingtaine d’oeuvres dédiées aux enfants" (pour "destinés aux").
De la même façon, "Dédié à" tend malheureusement de plus en plus à se substituer à "Attribué à", "Réservé à", "Affecté à", "Alloué à", "Dévolu à", "Voué à", etc.
On pouvait par exemple lire, dans un communiqué de presse du ministère de l’Éducation nationale, en avril 2013 : "Enfin, le 3e plan autisme, présenté par Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, prévoit la création de 30 unités d’enseignement dédiées à l’autisme à la rentrée 2014" (pour "dévolues à").
Et la société française de télécommunications Orange présentait aux internautes les services de pointe qu’elle réservait aux collectivités en ces termes : "Orange pro, le portail d’informations et de services dédié aux professionnels et aux entreprises" (pour "réservé aux").
- Quant à l’utilisation de "Dédié" comme adjectif, elle est tout simplement fautive.
Et cela pour la bonne et simple raison que ce mot n'a jamais existé en français.
Il s'agit tout simplement - comme souvent, malheureusement - d'un calque de l'anglais "deticated".
Cette floraison de formules fautives du type "Site internet dédié", "Application dédiée", "Espace dédié", "Impôt dédié", "Personnel dédié", "Produit dédié", etc., à laquelle on assiste ces dernières années, ne fait malheureusement que concourir à l'appauvrissement de notre si jolie et si riche langue française, qui dispose de nombreux adjectifs ou loction, tels que "Approprié", "Attitré ", "Personnel", "Particulier", "Spécifique", "Spécial", "Spécialisé", "Ad hoc", "Prévu à cet effet", etc.
Source : https://la-grammaire-de-forator.over-blog.fr