"Le neuvième art" ou "Le 9e art".

Cette locution nominale du langage courant désigne : la bande dessinée.

Et cela, même si la première mention connue de cette formule "Neuvième art", en 1928, sous la plume de l'écrivain et journaliste français Austin de Croze, dans son opuscule "La psychologie de la table", désignait... la gastronomie !

Son utilisation dans l'acception "Bande dessinée" date de 1964.

En mars de cette année là, en effet, le critique et historien de cinéma Claude Beylie utilise l’expression "Neuvième art" dans un article publié dans "Lettres et Médecins". Ce papier faisait partie d'une série de cinq articles parus dans la revue entre janvier et septembre 1964, sous le titre de "La Bande dessinée est-elle un art ?".

Et c'est le 17 décembre 1964, que Maurice de Bévère alias Morris, le créateur de Lucky Luke, et Pierre Vankeer, alors directeur des chemins de fer belges et collectionneur de bandes dessinées, publient, au sein du numéro 1392 du Journal de Spirou, le premier article de leur rubrique hebdomadaire intitulée "8e Art" et sous-titrée "Musée de la bande dessinée", qui parut jusqu'au numéro 1523 du 22 juin 1967.

La première page de la première rubrique "9e art. Musée de la bande dessinée", créée, le 17 décembre 1964, dans le numéro 1392 du Journal de Spirou", par les belges Morris et Pierre Vankeer
La première page de la première rubrique "9e art. Musée de la bande dessinée", créée, le 17 décembre 1964, dans le numéro 1392 du Journal de Spirou", par les belges Morris et Pierre Vankeer

Ils envisagent dans un premier temps de titrer cette rubrique "8e Art", mais on leur signale qu’il existe déjà un 8e art : la télévision, alors en plein développement.

Selon certaines sources, ce serait des techniciens du journal Spirou qui les auraient ainsi mis en garde. Tandis qu'il s'agirait, pour d'autres, du journaliste, éditeur, écrivain, scénariste et essayiste français Francis Lacassin, fondateur en 1962 du CBD (Club de la Bande Dessinée) et qui écrira, en décembre 1971, le livre "Pour un neuvième art, la bande dessinée".

"Pour un neuvième art la bande dessinée", l'essai publié en 1971 par le journaliste, éditeur, écrivain, scénariste et essayiste français Francis Lacassin
"Pour un neuvième art la bande dessinée", l'essai publié en décembre 1971 par le journaliste, éditeur, écrivain, scénariste et essayiste français Francis Lacassin. Et réédité ici chez Slatkine, en 1982

Morris n'a cependant jamais considéré la bande dessinée comme étant un art (majeur ou mineur). Et c'est en apprenant que le cinéma était devenu le "7e art" qu'il aurait déclaré, mi-moqueur, mi-agacé, mais avec l'esprit caustique et sarcastique qui le caractérisait : "Si le cinéma est le 7e art, alors la bande dessinée est le 8e" ! (devenu "9e", une fois informé que cette appellation avait déjà été attribuée à la télévision).

Il se mettait d'ailleurs - parait-il - très en colère lorsque les journalistes utilisaient cette nomination, qu'il trouvait personnellement parfaitement ridicule, et ce bien qu'il en soit en partie l'auteur.

Précisons pour finir que Pierre Vankeer et lui avaient précisé, dès leur introduction, pourquoi la bande dessinée, bien que née "avant le cinématographe de MM. Lumière", surnommé "7e art", et la télévision, surnommée "8e art", n'était que le 9e art : parce qu'on ne l'a guère prise au sérieux pendant les premières décennies de son existence !

Sur un sujet contigu, je me permet de vous recommander la lecture de mon article consacré à toutes les façons de dire "Des bandes dessinées".

Sources : wikipedia.org et www.audodo.fr

4 réflexions au sujet de “"Le neuvième art" ou "Le 9e art".”

  1. Hé oui, les intellectuels et les pédagogues considéraient la BD comme une sous-littérature, en France. Ils considéraient que c'était destiné aux analphabètes, ou aux paresseux qui ne voulaient pas faire l'effort de lire de la "vraie" littérature. Pour eux, à l'époque, ça se situait au niveau de la pornographie, ou à peu près !

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  2. Excellent article ! Je connaissais cette rubrique, j'ignorais que ce Monsieur Vankeer était directeur des chemins de fer! Dans mon enfance, dans le bourg près duquel nous habitions, notre médecin (et ami) de famille possédait des éditions originales des albums Tintin en noir et blanc, d'avant-guerre, qu'il avait dû recevoir dans son enfance. Ces volumes étaient en parfait état, et il en prenait grand soin. A la même époque, en France, bien que la BD ait commencé à sortir de son ghetto, il était encore mal vu pour les gens "sérieux" de s'intéresser à elle. Autres pays, autres moeurs.

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    • Oui ! Lors de mes premiers voyages en Belgique, à partir de 1976, j'avais été stupéfait de voir des "vieilles" et "vieux" de plus de 50 ou 60 ans (j'en ai aujourd'hui bientôt 60, mais n'en avais alors que 15) rentrer dans les nombreuses boutiques de BD et encore plus nombreuses boutiques d'occasion que comptaient alors la ville (là où il n'y avait encore à Paris que la "Librairie des Jeunes" de Dupuis, sur le boulevard Saint-Germain, la toute jeune Futuropolis, Temps Futurs, Le kiosque de Glénat et quelques boutiques d'ancien comme Lutèce, Azatoth et Pellucidar), pour demander "si le nouveau Spirou" était bien sorti et quand allaient paraître les nouveaux Chick Bill et Alix !! Une chose parfaitement inconcevable en France, où les lecteurs de BD étaient presque considérés comme des attardés mentaux...

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