Pourquoi dire : "Less is more" ?

L'architecte allemand naturalisé états-unien Ludwig Mies van der Rohe (27 mars 1886 - 17 août 1969), directeur de l'école du Bauhaus de 1930 à 1933

Et pas simplement, en français : "Moins c'est plus" !

Voire : "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué" !

C'est à dire, concrètement  : la simplicité est préférable à la complexité ; la concision est préférable à la verbosité.

Il s'agit d'une maxime minimaliste, popularisée par l'architecte allemand naturalisé états-unien Ludwig Mies van der Rohe (27 mars 1886 - 17 août 1969), directeur de l'école du Bauhaus de 1930 à 1933.

Héritier du modernisme, et plus particulièrement du Bauhaus, le minimalisme (ou "art minimal") est en effet un courant de l'art contemporain, apparu au début des années 1960 aux États-Unis d'Amérique, en réaction au lyrisme pictural de l'expressionnisme abstrait et en opposition à la tendance figurative et ironique du pop art. Selon les minimalistes, l'amélioration d'une oeuvre se fait ainsi par soustraction.

Sources : wikipedia.org et wiktionary.org

"La plus belle conquête de l'homme" ou "La plus noble conquête de l'homme".

La plus belle conquête de l'homme : le cheval

Ces superbes périphrases désignent : le cheval, un grand mammifère herbivore et ongulé à sabot unique.

Et elles ont pour origine un propos du naturaliste français Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, extrait de sa célèbre Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi, parue de 1749 à 1789 : "Le cheval : la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite".

Sur un sujet contigu, je me permets de vous recommander la lecture de mon article consacré à toutes les façons de dire "Un cheval" en français.

"On a souvent besoin d'un plus petit que soi".

"Le lion et le rat", une fable de Jean de la Fontaine (1668)

Cette phrase a traversé les siècles, puisqu'elle nous vient de fable de Jean de La Fontaine intitulée "Le lion et le rat" (Livre II, fable 11) publiée en 1668.

Elle signifie qu'il ne faut pas mépriser les plus petits, ou les plus faibles, car chacun, quelle que soit sa taille, a ses qualités et peut apporter quelque chose aux autres, fussent-ils grands, forts et puissants.

Ainsi, même le lion, roi des animaux, peut un jour être sauvé par un modeste rat, celui-ci s'avérant capable de faire ce dont le puissant fauve n'est pas capable !

"Le lion et le rat"

"Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un lion
Un rat sortit de terre assez à l'étourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il était et lui donna la vie .
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eût affaire ?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, et fit tant par ses dents
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage".

Sur un sujet contigu, je me permets de vous recomander la lecture de mon article consacré à un autre vers de cette fable : "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage".

Sources : www.linternaute.fr, fr.quora.com, www.editions-larousse.fr et www.lafontaine.net

"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé".

Ce superbe vers, entré dans le langage courant, est extrait de "L'isolement", un des plus célèbres poèmes d'Alphonse de Lamartine, paru en 1820, dans les "Méditations poétiques" son premier recueil de poèmes.

Le poète français Alphonse de Lamartine

Dans celui-ci le poète s'abandonne à son chagrin dans une élégie témoignant de son mal de vivre et d'une rêverie mélancolique, après la disparion brusque et prématurée de sa maîtresse, Julie Charles, emportée par la tuberculose en 1817.

"L'isolement" (1820)

"Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur.

Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.

Cependant, s'élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.

De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m'attend.

Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

Que le tour du soleil ou commence ou s'achève,
D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.

Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire ;
Je ne demande rien à l'immense univers.

Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !

Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ;
Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !

Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.

Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !"

Sources : wikipedia.org et www.poesie-francaise.fr

"Mieux vaut être seul que mal accompagné" ou "Mieux vaut être seule que mal accompagnée".

Cette formule proverbiale signifie que l'on ne doit pas rechercher la compagnie à tout prix.

Et que la solitude est préférable à la vie commune avec une personne inintéressante ou malsaine.

Il s'agirait apparemment d'une citation de l'écrivain français Pierre Gringore, extraite de son ouvrage "Notables enseignements, adages et proverbes (1527-1528).

)Sources : wiktionary.org et www.linternaute.fr

"Impossible n'est pas français !".

Cette expression du langage courant constitue une ellipse de "Le mot impossible n'est pas français".

Et elle s'utilise donc traditionnellement lorsque l'on refuse d'abdiquer face à une difficulté ou quand une chose paraît irréalisable, afin de dire que rien n'est impossible.

Ce dicton d'origine incertaine est traditionnellement attribué à Napoléon 1er, à qui le géneral Le Marois avait écrit, lors de la campagne d’Allemagne de 1813, qu’il ne pourrait tenir plus longtemps la ville de Magdebourg (Saxe-Anhalt). Ce à quoi l'Empereur lui aurait rétorqué : "Ce n’est pas possible, m’écrivez-vous : cela n’est pas français".

Mais selon d'autres explications, ce serait le ministre de la Police Joseph Fouché, qui aurait déclaré au même Napoléon 1er, à la suite d'une altercation concernant la traque des royalistes français émigrés : "Votre majesté nous a appris que le mot impossible n'est pas français"...

Sources : wiktionary.org et www.expressions-francaises;fr

"L'intendance suivra".

Charles de Gaulle : "L'intendance suivra"

Cette formule est couramment employée pour signifier que les moyens devront s'adapter, coûte que coûte, à la décision du commandement. Et cela qu'il s'agisse du domaine militaire (sens propre) ou du domaine économique (sens figuré).

Elle est fréquemment attribuée au général de Gaulle. Et serait une réplique historique à l'un de ses officiers qui s'inquiétait des contraintes pratiques de sa stratégie.

Il s'agit cependant d'une citation apocryphe, le général lui-même ayant nié avoir prononcé cette phrase, et même l'avoir pensé.

"L’intendance" (ellipse lexicale de "l'intendance militaire") était le nom d'un service de l'armée de terre métropolitaine française, actif entre 1817 et 1983, chargé de l'administration générale de cette armée. Il existait aussi, jusqu'en 1969, un "service de l'intendance coloniale", ou "intendance des troupes de marine".

Source : wikipedia.org

"Il est interdit d'interdire".

"Il est interdit d'interdire", le slogan de Mai 68 inventé par l'humoriste français Jean Yanne

Contrairement à ce que l'on pense souvent, ce célèbre aphorisme de Mai 68 n'a pas été inventé par les étudiants !

Il s'agit en effet d'une boutade de l'humoriste français Jean Yanne, sur la radio RTL, dans le cadre de son émission du dimanche matin.

La date exacte demeure cependant méconnue. De même qu'il n'existe aucune photographie ou affiche d'époque attestant de son utilisation par les étudiants.

Source : wikipedia.org

"N'ayez pas peur !".

Le pape Jean-Paul II

Contrairement à ce que pensent beaucoup, cette injonction n'est pas seulement une citation du pape Jean-Paul II, prononcée au Vatican, le 22 octobre 1978,  lors de la messe prononcée à l'occasion de sa cérémonie d'intronisation.

"N'ayez pas peur !" est en effet une expression biblique dont on relève pas moins de trois cent soixante-cinq occurrences dans les Écritures !

Il s'agit en effet de paroles attribuées à Jésus de Nazareth à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament.

Et notamment dans l'évangile de Matthieu, lors de l'épisode de la Transfiguration (Mt, 17, 72) ou encore dans l'épisode de la Marche sur les eaux, rapporté notamment dans l'évangile de Jean (Jn, 6, 20). Cette phrase a notamment été reprise par le pape Jean-Paul II lors de sa messe d'intronisation

Source : wikipedia.org

"Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n'est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien (...). Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d'agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez".

La philosophe allemande Hannah Arendt (née Johanna Arendt) (14 octobre 1906 - 4 décembre 1975 ), politologue et journaliste, connue pour ses travaux sur le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l'histoire.

Nous devons cette formidable citation, terrifiante d'actualité, à la politologue allemande naturalisée états-unienne Hannah Arendt (14 octobre 1906 - 4 décembre 1975), connue pour ses travaux sur le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l'histoire.

Et elle est extraite d'un entretien de 1974, avec l'écrivain français Roger Errera (03 décembre 1933 -12 août 2014), sur la question du totalitarisme, lisible, dans son intégralité, en anglais, sur le site du Centro de Estudos Hannah Arendt de Sao Paulo (Brésil) :

"Lies

The moment we no longer have a free press, anything can happen. What makes it possible for a totalitarian or any other dictatorship to rule is that people are not informed ; how can you have an opinion if you are not informed ? If everybody always lies to you, the consequence is not that you believe the lies, but rather that nobody believes anything any longer. This is because lies, by their very nature, have to be changed, and a lying government has constantly to rewrite its own history. On the receiving end you get not only one lie—a lie which you could go on for the rest of your days—but you get a great number of lies, depending on how the political wind blows. And a people that no longer can believe anything cannot make up its mind. It is deprived not only of its capacity to act but also of its capacity to think and to judge. And with such a people you can then do what you please".

Sources : wikipedia.org et hannaharendt.wordpress.com/2018/01/04/hannah-arendt-from-an-interview/

"Couvrez ce sein que je ne saurais voir".

Cette phrase est souvent utilisée par plaisanterie, à la vue d'une poitrine dénudée, par les personnes cultivées.

Elle est extraite de l'acte III, scène 2 de la comédie en vers de Molière, écrite en 1669, "Le tartuffe ou l'imposteur" ?

Cette pièce est une attaque féroce contre l'hypocrisie des dévots, qui fuient la séduction de la beauté féminine, en particulier lorsqu'elle est dénudée, et refusent de porter les yeux sur les appas de la femme, conformément aux recommandations de nombreux textes religieux.

Citation complète :

"Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées.
Et cela fait venir de coupables pensées".

Source : wikipedia.org

"Va, je ne te hais point !".

J'aime beaucoup cette très célèbre réplique, extraite de l'acte III scène 4 de la pièce de théâtre française "Le Cid", écrite en 1637 par Pierre Corneille.

Il s'agit d'une déclaration que fait Chimène à Don Rodrigue, afin de lui signifier qu'elle l'aime encore, envers et contre tout.

Pourtant, Don Rodrigue, le fiancé de Chimène vient de tuer Don Gomès, le père de celle-ci, dans un duel. La jeune fille devrait donc haïr Don Rodrigue. Mais elle sait qu'il s'est battu pour venger l'honneur de sa famille (son père à lui ayant reçu un soufflet de son père à elle), ce qu'elle apprécie. Et surtout... elle l'aime ! Confrontée à la difficulté de dire "Je t'aime" à l'assassin de son père, Chimène lui lance donc : "Va, je ne te hais point".

Cette façon d'atténuer des propos ("Je ne te hais pas") pour leur donner plus de force (dire "Je t'aime") est souvent présenté comme une litote.

Pourtant, si le "Je t'aime" est en effet sous-entendu, il ne s'agit nullement - me semble-t-il - du principal message contenu dans cette déclaration.

Et le sens de la phrase n'est pas vraiment "Mon Rodrigue, je suis folle amoureuse de toi, tu as drôlement bien fait de tuer papa, allons faire des cochonneries dans mon lit à baldaquin" !

Mais plutôt, je crois : "Je devrais te hair et vouloir ta tête, mais ce n'est pas le cas, je suis une vilaine fille"...

Enfin, disons, de façon plus respectable, pardonnez-moi : "Je ne te poursuis pas par haine, mais par devoir ; par obligation morale plus que sentimentale".

Texte intégral de l'acte III, scène 4 :

Don Rodrigue

Eh bien ! sans vous donner la peine de poursuivre,
Assurez-vous l’honneur de m’empêcher de vivre.

Chimène

Elvire, où sommes-nous, et qu’est-ce que je vois ?
Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi !

Don Rodrigue

N’épargnez point mon sang : goûtez sans résistance

La douceur de ma perte et de votre vengeance.

Chimène

Hélas !

Don Rodrigue

Écoute-moi.

Chimène

Je me meurs.

Don Rodrigue

Un moment.

Chimène

Va, laisse-moi mourir.

Don Rodrigue

Quatre mots seulement :

Après, ne me réponds qu’avecque cette épée.

Chimène

Quoi ! du sang de mon père encor toute trempée !

Don Rodrigue

Ma Chimène…

Chimène

Ôte-moi cet objet odieux,

Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux.

Don Rodrigue

Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.

Chimène

Il est teint de mon sang.

Don Rodrigue

Plonge-le dans le mien,
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.

Chimène

Ah ! quelle cruauté, qui tout en un jour tue
Le père par le fer, la fille par la vue !
Ôte-moi cet objet, je ne puis le souffrir :
Tu veux que je t’écoute, et tu me fais mourir !

Don Rodrigue

Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l’envie

De finir par tes mains ma déplorable vie ;
Car enfin n’attends pas de mon affection
Un lâche repentir d’une bonne action.
L’irréparable effet d’une chaleur trop prompte
Déshonorait mon père, et me couvrait de honte.
Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur ;
J’avais part à l’affront, j’en ai cherché l’auteur :
Je l’ai vu, j’ai vengé mon honneur et mon père ;
Je le ferais encor, si j’avais à le faire.
Ce n’est pas qu’en effet contre mon père et moi
Ma flamme assez longtemps n’ait combattu pour toi ;
Juge de son pouvoir : dans une telle offense
J’ai pu délibérer si j’en prendrais vengeance.
Réduit à te déplaire, ou souffrir un affront,
J’ai pensé qu’à son tour mon bras était trop prompt ;
Je me suis accusé de trop de violence ;
Et ta beauté sans doute emportait la balance,
À moins que d’opposer à tes plus forts appas
Qu’un homme sans honneur ne te méritait pas ;
Que malgré cette part que j’avais en ton âme,
Qui m’aima généreux me haïrait infâme ;

Qu’écouter ton amour, obéir à sa voix,
C’était m’en rendre indigne et diffamer ton choix.
Je te le dis encore ; et quoique j’en soupire,
Jusqu’au dernier soupir je veux bien le redire :
Je t’ai fait une offense, et j’ai dû m’y porter
Pour effacer ma honte, et pour te mériter ;
Mais quitte envers l’honneur, et quitte envers mon père,
C’est maintenant à toi que je viens satisfaire :
C’est pour t’offrir mon sang qu’en ce lieu tu me vois.
J’ai fait ce que j’ai dû, je fais ce que je dois.
Je sais qu’un père mort t’arme contre mon crime ;
Je ne t’ai pas voulu dérober ta victime :
Immole avec courage au sang qu’il a perdu
Celui qui met sa gloire à l’avoir répandu.

Chimène

Ah ! Rodrigue, il est vrai, quoique ton ennemie,
Je ne te puis blâmer d’avoir fui l’infamie ;
Et de quelque façon qu’éclatent mes douleurs,
Je ne t’accuse point, je pleure mes malheurs.
Je sais ce que l’honneur, après un tel outrage,
Demandait à l’ardeur d’un généreux courage :
Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien ;
Mais aussi, le faisant, tu m’as appris le mien.
Ta funeste valeur m’instruit par ta victoire ;
Elle a vengé ton père et soutenu ta gloire :
Même soin me regarde, et j’ai, pour m’affliger,
Ma gloire à soutenir, et mon père à venger.
Hélas ! ton intérêt ici me désespère :
Si quelque autre malheur m’avait ravi mon père,
Mon âme aurait trouvé dans le bien de te voir
L’unique allégement qu’elle eût pu recevoir ;
Et contre ma douleur j’aurais senti des charmes,

Quand une main si chère eût essuyé mes larmes.
Mais il me faut te perdre après l’avoir perdu ;
Cet effort sur ma flamme à mon honneur est dû ;
Et cet affreux devoir, dont l’ordre m’assassine,
Me force à travailler moi-même à ta ruine.
Car enfin n’attends pas de mon affection
De lâches sentiments pour ta punition.
De quoi qu’en ta faveur notre amour m’entretienne,
Ma générosité doit répondre à la tienne :
Tu t’es, en m’offensant, montré digne de moi ;
Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.

Don Rodrigue

Ne diffère donc plus ce que l’honneur t’ordonne :

Il demande ma tête, et je te l’abandonne ;
Fais-en un sacrifice à ce noble intérêt :
Le coup m’en sera doux, aussi bien que l’arrêt.
Attendre après mon crime une lente justice,
C’est reculer ta gloire autant que mon supplice.
Je mourrai trop heureux, mourant d’un coup si beau.

Chimène

Va, je suis ta partie, et non pas ton bourreau.

Si tu m’offres ta tête, est-ce à moi de la prendre ?
Je la dois attaquer, mais tu dois la défendre ;
C’est d’un autre que toi qu’il me faut l’obtenir,
Et je dois te poursuivre, et non pas te punir.

Don Rodrigue

De quoi qu’en ma faveur notre amour t’entretienne,

Ta générosité doit répondre à la mienne ;
Et pour venger un père emprunter d’autres bras,
Ma Chimène, crois-moi, c’est n’y répondre pas :

Ma main seule du mien a su venger l’offense,
Ta main seule du tien doit prendre la vengeance.

Chimène

Cruel ! à quel propos sur ce point t’obstiner ?
Tu t’es vengé sans aide, et tu m’en veux donner !
Je suivrai ton exemple, et j’ai trop de courage
Pour souffrir qu’avec toi ma gloire se partage.
Mon père et mon honneur ne veulent rien devoir
Aux traits de ton amour ni de ton désespoir.

Don Rodrigue

Rigoureux point d’honneur ! hélas ! quoi que je fasse,

Ne pourrai-je à la fin obtenir cette grâce ?
Au nom d’un père mort, ou de notre amitié,
Punis-moi par vengeance, ou du moins par pitié.
Ton malheureux amant aura bien moins de peine
À mourir par ta main qu’à vivre avec ta haine.

Chimène

Va, je ne te hais point.

Don Rodrigue

Tu le dois.

Chimène

Je ne puis.

Don Rodrigue

Crains-tu si peu le blâme, et si peu les faux bruits ?

Quand on saura mon crime, et que ta flamme dure,
Que ne publieront point l’envie et l’imposture !
Force-les au silence, et, sans plus discourir,
Sauve ta renommée en me faisant mourir.

Chimène

Elle éclate bien mieux en te laissant la vie ;
Et je veux que la voix de la plus noire envie
Élève au ciel ma gloire et plaigne mes ennuis,
Sachant que je t’adore et que je te poursuis.
Va-t’en, ne montre plus à ma douleur extrême
Ce qu’il faut que je perde, encore que je l’aime.
Dans l’ombre de la nuit cache bien ton départ :
Si l’on te voit sortir, mon honneur court hasard.
La seule occasion qu’aura la médisance,
C’est de savoir qu’ici j’ai souffert ta présence :
Ne lui donne point lieu d’attaquer ma vertu.

Don Rodrigue

Que je meure !

Chimène

Va-t’en.

Don Rodrigue

À quoi te résous-tu ?

Chimène

Malgré des feux si beaux, qui troublent ma colère,
Je ferai mon possible à bien venger mon père ;
Mais malgré la rigueur d’un si cruel devoir,
Mon unique souhait est de ne rien pouvoir.

Don Rodrigue

Ô miracle d’amour !

Chimène

Ô comble de misères !

Don Rodrigue

Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !

Chimène

Rodrigue, qui l’eût cru ?

Don Rodrigue

Chimène, qui l’eût dit ?

Chimène

Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît ?

Don Rodrigue

Et que si près du port, contre toute apparence,

Un orage si prompt brisât notre espérance ?

Chimène

Ah ! mortelles douleurs !

Don Rodrigue

Ah ! regrets superflus !

Chimène

Va-t’en, encore un coup, je ne t’écoute plus.

Don Rodrigue

Adieu : je vais traîner une mourante vie,
Tant que par ta poursuite elle me soit ravie.

Chimène

Si j’en obtiens l’effet, je t’engage ma foi

De ne respirer pas un moment après toi.
Adieu : sors, et surtout garde bien qu’on te voie.

Elvire

Madame, quelques maux que le ciel nous envoie…

Chimène

Ne m’importune plus, laisse-moi soupirer,
Je cherche le silence et la nuit pour pleurer.

Sources : www.copiedouble.com, www.etudes-litteraires.com, mamiehiou.over-blog.com et wikipedia.org