Pourquoi dire : "Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité" ?

L'homme politique français Bernard Cazeneuve

Comme l'a déclaré l'ancien Premier ministre français Bernard Cazeneuve, le 9 octobre 2019, sur la radio publique française France Inter.

Et pas : "Lorsque nous sommes parvenus au pouvoir" ou "Lorsque j'ai été nommé à ce poste".

Je trouve parfois que j'exagère et ai une fâcheuse propension à accumuler les adjectifs ou les périphrases.

Mais je dois m'incliner devant ces rois de la novlangue que sont la plupart de nos hommes politiques, régulièrement "en capacité" d'enfumer leur auditoire et de masquer leur incurie, leur impéritie, leur incompétence et leur inefficacité - ou celle de leurs services - sous des propos aussi abscons.

"Un bleu".

Ce substantif polysémique peut avoir pas moins de... 16 significations différentes :

  • c'est d'abord ainsi que l'on appelle une ecchymose, dans le registre familier,

Ecchymose sur la cuisse

  • ou, au sens figuré, une blessure infligée à la psyché, aux sentiments ou à la pensée (on parle par exemple de "bleus à l'âme"),
  • mais également une personne sans expérience, un novice, nouvellement arrivé ou engagé, à l'armée ou au travail (registre familier),
  • un policier ou un gendarme (registre familier),

Policiers en intervention dans le métro

  • un sportif de haut niveau français, sélectionné dans l'équipe nationale de sa discipline,

L'équipe de France de handball

  •  un fromage dont les champignons contenus dans la pâte forment des veines de couleur bleue,

Fomage bleu

  • un vêtement de travail ("bleu de travail") utilisé pour la mécanique ("bleu de mécanicien") ou la chaufferie ("bleu de chauffe"),

 

  • un plan, schéma ou croquis reproduit sur papier au ferro-prussiate,
  • le document relié en bleu représentant le budget proposé par le gouvernement (par opposition au "vert", le budget voté par le Parlement),
  • un document de travail interministériel relatif à un projet de loi,
  • une maladie du lait et du vin blanc, causée par des bactéries.

Et c'était également autrefois :

  • un soldat des armées de la République durant la guerre de Vendée (surnom donné par les chouans),
  • puis, par extension, un républicain, par opposition aux "blancs" (royalistes) ou aux "rouges" (communistes),
  • un soldat états-unien nordiste confédéré durant la guerre de Sécession (par opposition aux "gris" sudistes unionistes),

Un soldat nordiste au corps à corps avec un soldat sudiste

  • un télégramme (registre familier),

  • un document utilisé dans la seconde moitié du XXe siècle par les coloristes de bande dessinée, afin d'appliquer leurs couleurs en aplats ("bleu d'imprimerie" : copie de la planche au format de parution, où les traits encrés apparaissaient en bleu clair).

un bleu de coloriage de bande dessinée

"Giscard".

Valéry Giscard d'Estaing

Ainsi appelle-t-on couramment le haut fonctionnaire et homme politique français Valéry Giscard d'Estaing, 3e président de la Ve république.

Nos représentants politiques sont-ils tous des obsédés sexuels ?

Ils - et elles ! - sont en effet régulièrement à l'origine de savoureux lapsus linguae qui ne peuvent que nous amener à nous interroger sur la nature réelle de leurs préoccupations premières.

Rappelons en effet que la psychanalyse considère le lapsus comme une variété d'acte manqué et que, de fait, nombre de leurs fautes se produisent au profit de termes à caractère sexuel.

Rachida Dati

  • On se souvient ainsi de la ministre de la justice de François Fillon, Rachida Dati, interviewée le 26 septembre 2010 par Anne-Sophie Lapix sur Canal Plus, constatant : "quand je vois certains qui demandent des taux de rentabilité à 20-25 %, avec une fellation quasi-nulle" (au lieu d'une "inflation")...

Puis, de la même garde des sceaux, interviewée le (cela ne s'invente pas !) 1er avril 2011 par Christophe Barbier sur LCI, évoquant : "Un gode des bonnes pratiques" (au lieu de "code").

Brice Hortefeux

 

  • Entretemps, le 17 octobre 2010, invité du grand jury RTL-LCI-Le Figaro, son collègue, Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur du même François Fillon, évoquait "Le fichier des empreintes génitales" (au lieu de "génétiques").

Édouard Philippe

 

  • Tandis que, plus récemment, le 10 mars 2018, le Premier ministre Édouard Philippe a régalé le monde de l'ovalie à l'occasion de son allocution pour la création du comité d’organisation de la Coupe du monde de rugby 2023, en annonçant : "La France est une nation qui veut continuer à sucer des grands champions" (au lieu de "susciter")...

Sur un thème contigu, je me permets de vous recommander la lecture de mon article consacré aux différentes pratiques sexuelles des personnalités.

 

"Le taureau du Vaucluse".

Édouard Daladier

Il s'agit du surnom de l'homme politique français Édouard Daladier, né le 18 juin 1884 et mort le 10 octobre 1970.

Combatif et pugnace, il est une figure du parti radical. Élu local, il est député du Vaucluse (84) de 1946 à 1958, Maire d'Avignon (84) de 1953 à 1958.

Il est également Ministre de la défense nationale et de la guerre, Ministre des Travaux Publics et Ministre des Affaires Étrangères à 3 reprises ! Mais aussi Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts à 2 reprises et Ministre des Colonies.

Et surtout : Vice-président du Conseil des ministres à 2 reprises et Président du Conseil des ministres à 3 reprises.

"L'homme de munich"

Initiateur, le 7 juin 1933, du "pacte quadripartite", signé avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie afin de favoriser l'intégration de l'Allemagne au sein de la SDN (Société Des Nations), il est signataire, en tant que président du Conseil, des accords de Munich en 1938.

Après la signature des accords, à son retour en France, Daladier imagine qu'il sera hué pour avoir cédé à Hitler, les accords de Munich octroyant aux nazis une partie de la Tchécoslovaquie sans contreparties significatives, hormis des promesses de paix. À sa grande surprise, il est acclamé à sa sortie de l'avion au Bourget (93) par une foule qui le perçoit comme le sauveur de la paix. Il aurait alors marmonné devant le diplomate Alexis Leger : "Ah les cons ! S'ils savaient". Dans ses Mémoires, Daladier dira de façon plus modérée : "Je m'attendais à recevoir des tomates et j'ai reçu des fleurs".

Source : wikipedia.org

"Mieux vaut être ministre de nos jours qu'autrefois" !

Le terme "Ministre" dérive en effet du latin "minister", adjectif dérivé de "minus", qui signifie "Serviteur".

Le ministre n'était donc d'abord qu'un simple serviteur, avant que ce mot ne soit réservé au serviteur du roi.

Puis, enfin, à l'agent du pouvoir gouvernemental, à la tête d'un ministère ou d'un département ministériel, tel que nous le connaissons.

Source : Almanach Hachette. Petite encyclopédie populaire. 1906

"Fête de la Musique" ou "Faites de la musique" ?

Affiche Fête de la musique 2019

L'observation de la photographie de l'édition 2019 de cette manifestation culturelle révèle que - contrairement à ce que la plupart des gens pourraient penser - la réponse n'est pas si évidente.

Je m'explique :

  • La "Fête de la musique" est en effet une fête internationale, célébrée le 21 juin, date coïncidant le plus souvent avec le premier jour de l'été dans l'hémisphère Nord.

Créée en France le 21 juin 1982 par Maurice Fleuret et le ministre de la culture socaliste Jack Lang, sur une idée de 1976 du musicien états-unien Joel Cohen, elle a ensuite été reprise au plan européen dès 1985.

Et largement internationalisée dans les années 2000, pour être aujourd'hui célébrée dans plus de 120 pays.

Le ministre de la culture Jack Lang et madame Danielle Miterrand, épouse du président français François Mitterrand, place du Palais-Royal à Paris (5), le 21 juin 1982, soir de la première fête de la musique
Le ministre de la culture Jack Lang et Danielle Miterrand, épouse du président français François Mitterrand, place du Palais-Royal à Paris (75), le 21 juin 1982, soir de la première fête de la musique
  • Et la locution verbale homophone "Faites de la musique" semble n'être qu'une simple invitation à "Faire de la musique" ou plus exactement "Jouer de la musique", évidemment largement suivie ce jour là et donnant au nom français de cette manifestation culturelle un caractère bien plus intéressant - j'imagine - que dans toutes les autres langues.

Affiche Fête (faites) de la musique 1982

Cependant, avant d'être d'abord en parenthèses, la première année, en 1982, - comme le rappelle la photographie ci-contre, la forme "Faites de la musique" a ensuite purement et simplement supplanté la forme "Fête de la musique ". Et cela dès l'édition suivante, en 1983.

Puis de 1985 à 1988, mais également en 1990 et 1991, et enfin de de 1993 à 1999 ; soit pour 14 des 18 premières éditions !

Affiche Faites de la musique 1985

Affiche Faites de la musique 1986

Affiche Faites de la musique 1987

Affiche Faites de la musique 1988

Étonnamment donc - j'imagine - pour les moins de 40 ans, la forme actuelle "Fête de la musique" ne s'est pour sa part imposé qu'épisodiquement au début (en 1984, pour la troisième édition), puis en 1989 et 1992, soit seulement 3 éditions sur les 18 premières.

Affiche Fête de la musique 1984

Affiche Fête de la musique 1989

Affiche Fête de la musique 1992

Puis définitivement (*), depuis 2000 (photographies en fin d'article).

C'est donc étrangement en juin 2019, lorsque -enfin - le nom la manifestation semblait enfin s'être durablement imposé dans l'imaginaire culturel collectif, que son organisateur - la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique) a pris l'initiative de faire ressurgir la forme "Faites de la musique", pour la première fois depuis 1999, après 20 années de stabilité et 18 ans de va-et-vient hasardeux !

On va encore dire que je critique tout, mais il me semble que l'on à présent en droit de s'interroger sur ce qu'il en sera à l'avenir.

Et j'attends personnellement avec impatience de savoir ce qu'il en sera de l'affiche de l'édition 2020 !

 

(*) J'aimerai cependant en avoir la confirmation pour 204 et 2005, années pour lesquelles je ne dispose pas de sources photographiques ; n'hésitez pas à m'adresser des photographies d'affiches si vous en possédez, je vous en remercie d'avance !

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"Couve".

Maurice Couve de Murville

Ainsi appelait-on couramment Maurice Couve de Murville, né le 24 janvier 1907 et mort le 24 décembre 1999.

Ce haut fonctionnaire gaulliste, diplomate et homme politique français, rejoint les rangs de la France Libre en 1943, avant de devenir ambassadeur en Égypte, aux États-unis et en Allemagne de l'Ouest.

Sa prestigieuse carrière diplomatique et sa fidélité au général lui valent d'être le dernier ministre des Affaires étrangères de la IVe République et le premier de la Ve République. Et d'exercer cette fonction dix années durant, ce qui constitue un record pour un hôte du quai d'Orsay.

Éphémère ministre de l'Économie et des Finances après les événements de Mai 68, il devient ensuite le dernier Premier ministre du général de Gaulle (1968-1969), puis député (1973-1986) et sénateur (1986-1995).

"Fouché" dit "Fouché de Nantes" ou "Le mitrailleur de Lyon".

Joseph Fouché

Joseph Fouché est un homme politique français, né le 21 mai 1759 et mort le 26 décembre 1820.

Il est particulièrement connu pour la férocité avec laquelle, durant la Révolution, il réprima l'insurrection lyonnaise en 1793 et pour avoir été ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat et l'Empire.

Napoléon le fit Comte d'Empire en 1808 et Duc d'Otrente en 1809.

Ministre de la police, il est l'homme-clé du gouvernement lors des Cent-jours, en 1815, l'Empereur étant au combat. Prévoyant la défaite il manoeuvre en effet pour préparer la transition.

Après la défaite de Waterloo, il devient président du gouvernement provisoire et négocie avec les puissances alliées, dont l'Angleterre. Il manipule les républicains et les monarchistes, négocie avec les forces diverses qui déchirent le pays, pour maintenir l'ordre et la continuité de l'État.

Jugeant que la monarchie est le régime qui permettra au mieux à la France de retrouver sa souveraineté, il remet sur le trône Louis XVIII, et, le 9 juillet 1815, il devient son ministre.

Ce qui nous vaut l'extraordinaire portrait de François-René de Chateaubriand dans ses magnifiques "Mémoires d'outre-tombe" (1849-1850).