Ancien haut fonctionnaire, feu le père d'une amie, prénommé comme moi Jean-Pierre, avait pris sa retraite dans une maison de famille d'un village Sud-Ouest, où il avait vécu enfant puis adolescent. Comme c'était encore souvent le cas à l'époque, une petite zone humide, sorte de grande mare, surnommée localement "la lagune", s'étendait à quelques kilomètres de là.
Un jour, débarque chez lui, totalement affolé, André, un ami d'enfance, avec lequel, justement, il avait passé d'innombrables heures à y jouer.
"Jean-Pierre, c'est terrible ! Il faut que tu lises ça : les types des Ponts & Chaussées, ils m'ont écrit ! Ces fadas, ils veulent assécher la lagune ! Notre lagune à nous !".
Le brave campagnard était dans tous ses états, agitant fébrilement la missive incriminée : "Regarde, regarde : ils disent plein de trucs partout, que je comprends pas trop... mais là ils disent qu'ils vont faire disparaître notre lagune ; c'est affreux !".
D'un naturel posé, le retraité chausse calmement ses lunettes et parcourt rapidement le courrier en question.
Arrivé au passage qui avait tant affolé son ami, il sourit et le rassure : "C'est bien ce qu'il me semblait... Tu n'as absolument rien à craindre, mon brave André ! Il ne s'agit que d'un simple problème de réglementation sans importance. Je t'assure que tu n'as strictement aucun souci à te faire concernant la lagune ! Ils ont simplement écrit que à partir de maintenant certaines obligations légales en matière d'interdiction de chasse ou de pêche seraient affichées, comme la loi le demande. Et qu'ils allaient donc "combler cette lacune", c'est à dire cette absence, cette insuffisance, comprends-tu ?".